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Grain de sable 2014
14 juin 2014

Clap de fin

La course est terminée.

A peine sorti de l'aire d'arrivée, que je suis photographié devant le panneau MDS. Figé pour la postérité.

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The photo.

 

Ensuite, c'est la fête de l'émotion collective. L' ambiance se partage entre "finale de coupe de monde" et "libération de 45".

Je tente de savourer le spectacle des nouveaux arrivants. Qui devant la Web cam envoie leurs messages d'amour. Insoutenable. Dès que l'un montre la photo de son enfant, je pleure. Dès qu'une autre lance ses bisous, je pleure. Tout le monde pleure devant tout ça. Et personne ne reste. Par pudeur.

L'humanité y est violente, désossée, transpercée. Dépecée de tout son apparat. Zéro armure. Les coureurs n'ont plus qu'à fusionner entre eux.

Suzanna arrive. Elle est première de sa tente. Et donc personne de proche pour l'acclamer. Elle fait sa danse de bimbo devant la web cam. Embrasse son mari et ses enfants. En pleurant. J'hurle son prénom. Elle hurle le mien. Photo. Et nous nous tombons dans les bras l'un de l'autre. Elle m'embrasse dans le cou. Je l'embrasse sur la joue. Nous avons embrassé par fraternité. A portée de main. Fusion.

Jeanne arrive. Son émotion devant la web cam est profonde. Son regard. Je suis assis dans le canapé à côté de ses enfants. Photo. Empoignade délicate. Embrassade. Fusion. Je ressens notre surprise commune de nous empoigner ainsi. Mais bon sang ! Comme ça fait du bien !

Je cherche la tente 36. Manu, Yannis et Jean luc me sautent dessus. Nous venons de marquer le but, de passer le passing shot de la mort, le panier à 3 points qui vient libérer l'équipe du monde face aux martiens. Manu est dingue "Si tu savais comme j'ai tout envoyé !!! Tout envoyé !! TOUT !!!!". La tente 36 en pleine fusion atomique. 

Je guette l'arrivée de Franck. Il est parti avec les 100 premiers, une heure et demi après nous. Je le vois. Il me voit. FRANCKKKKKKKKK !!!!!!! CEDRICCCCCCC !!!!!!!. Rien que d'y repenser..... Quoique nous réserve la suite, nous sommes liés à vie. Lié par ce souvenir d'avoir fait le marathon des sables ensemble.

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Rien que d'y repenser.....

La tente 36 se rassemble sur la ligne d'arrivée. Pour acclamer ses deux derniers héros. Elodie et Bruno.

Elodie nous tape sur l'épaule. Elle est déjà arrivée... L'empoignade est de nouveau forte. Nous l'embrassons tour à tour. Heureux mais déçus ne n'avoir pu lui faire une haie d'honneur avant la ligne.

Bruno. Non. Pas encore.

Bruno. Oui. C'est bien lui, cette fois çi. Le banc de touche se lève. Court vers lui. Nous lui faisons une haie d'honneur. Il est comme fou. Attrape Jean luc et Manu. Sa famille. Nous claque dans les mains. Nous empoigne aussi. La tente est au complet. Au complet !!!!!

Il part seul vers sa ligne. Il doit savourer tout ça tout seul. Prendre sa médaille. Avoir son moment à lui.

Chris, Pat et Eric arrivent. Je les reconnais de loin. En rouge et blanc tous les trois. Je galope vers eux et gueule comme un sourd : "Bravo les potos !!!!!". Empoignade virile. Je les accompagne jusqu'à la ligne armé de leur go pro afin d'immortaliser leurs arrivées. Heureux, tous les trois.

 La course est finie.

Avec ma poule, nous rejoignons la tente. Et j'y fais un truc bizarre. Je range mes affaires.... J'ai été ultra bordélique pendant toute la semaine et là pour qui pourquoi, je plie tout bien comme il faut.

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Le dessin de p'tit gars "papa, c'est toi !". La médaille. La montre prêtée par chéri et adoré. Le petit éléphant blanc du sri-lanka, porte bonheur, offert par une bonne amie sameformienne.

Le dernier feu.

Le dernier gonflage du pouf jaune.

Le dernier repas sous les étoiles.

La dernière connerie à raconter sous la tente.

La dernière nuit dans le duvet.

La course est finie.

Le réveil du matin est d'un calme... Tout le monde prend son temps. Personne n'a vraiment envie d'aller sur la ligne de départ de la dernière étape.

Tout est passé si vite. Si intensément.

Avec ma poule, on part en marchant. Avec nos T-shirts bleus UNICEF, avec ses drapeaux français et chinois. Nous nous consacrons à nous promener, à prendre des photos, à chercher les dernières gouttes de communion avec ce maroc livré sur un plateau, dans sa beauté brute et exigeante. A l'image de son désert.

La course est finie.

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La fille de franck vient de chine. Les deux drapeaux sont sa surprise pour elle.

Des enfants nous suivent. Nous avons pris du retard sur le peloton. Les enfants s'approchent. Nous réclament des choses. Je farfouille dans ma poche ventrale. Les enfants se frictionnent pour une épingle à nourrice. Je suis obligé de me fâcher pour calmer leur agressivité quand je sors d'autres objets. Franck est parti devant.

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Franck entame la discute.

En cherchant des choses à donner au petit groupe, je met la main sur mon sac de billets (les 300€ obligatoires pour la course). Qu'ils voient. Je sens dans leurs regards de la surprise. Et autre chose. J'appelle Franck. Qui me rejoint. Je fais signe aux enfants que je n'ai plus rien. Nous partons en courant pour rejoindre le peloton.

La course est finie. 

Juste avant l'arrivée, nous tombons sur une dune de sable. Nous remplissons des bouteilles de ce sable ocre et fin pour le souvenir, pour la maison.

La course est finie.

Dernière ligne d'arrivée. Nous rendons les fusées de détresse et les puces. Nous nous embrassons.

La course est finie.

Bus. 6h de voyage.

Hôtel. Douche.

Je suis, de suite, déçu de cette douche. Le filet d'eau n'est pas assez fort. Au point que c'en ait difficile de se rincer. L'eau qui s'écoule vers la bonde de douche est marron foncé. Et marron clair au 2ème savonnage. Ma peau est granuleuse. Avec des petits boutons. La peau autour de mes doigts est abîmée, séchée, fendillée par le sel de la transpiration.

Propre. Propres.

Nous montons dans une vieille "merco" jaune des années 80. Une "merco" 5 places. Nous sommes au complet. La tente 36 est au complet dans la merco. Nous sept, plus le chauffeur. Exit les contraintes habituelles de notre quotidien. Nous sommes tous morts de rire dans la bagnole.

Elodie nous emmène au restau.

En terrasse, quatre des sept des bières de la table sont accompagnées de clopes. Y a pas à dire, ça c'est du sportif de haut niveau. De très haut niveau même. Je me délecte guoguenard de ce spectacle décalé.

Je vous passe les détails de la soirée. Nous avons bu et mangé en une fois ce que nous n'avons pas pu faire en une semaine....

La soirée se poursuit en boite de nuit. Avec Franck, ma poule, nous nous éclatons comme des minots sur la piste.

La course est finie.

Le lit pour la nuit est confortable au possible. Ce qui m'interpelle. De nos existences, de leurs habitudes, c'est le confort qui a repris le pouvoir en premier. Ce lit. Cette eau qui coule du robinet. Cette nourriture à profusion sur un self d'hotel. Cet ascenseur pour grimper au 1er étage. Cette chaise, cette table, cette bière fraîche, au bord de cette piscine.

Je ne refuse pas ce confort. Il est superficiel. Le marathon des sables, en surenchère à l'ultra marin, me permet de relativiser. L'essentiel est ailleurs. Dans le désert, j'ai compris que ma vie prenait son sens auprès de ma femme et de nos fils.

La course est finie.

Au réveil, nous décidons d'arpenter les rues non touristiques de Marrakech.

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La rue.

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Les enfants y jouent au ballon.

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Les bâtisses sont magnifiques.

Jusqu'à atterrir dans une pharmacie berbère. Les articles y sont très biens vendus. Et nous les achetons très bien. Le lien se crée. Nos deux vendeurs nous offrent le repas du midi. D'abord annoncé payant, le tajine est finalement offert, après que l'un des deux vendeurs n'engueule l'autre, contestant cette hospitalité mercantile à l'excès. Après mangé, je demande s'il y a moyen d'acheter des gâteaux. Une demi heure après, nous sont livrés deux kilos chacun. Efficacité maximale.

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La pharmacie berbère. Et pas barbare comme a aimé le préciser le vendeur non mercantile. 

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Le tajine pour, finalement, un grand moment de partage.

 

 

Sieste à l'hotel. T-shirt finisher. Photos avec Annie et Patrick.

Le soir venu, nous retournons à la pharmacie berbère, attirés par la proposition d'une grande soirée. Qui, une fois sur place, n'est annoncée qu'après être passés par la case tissus et tapis.

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C'est motivant d'acheter....

Cette case achat étant plus onéreuse qu'imaginé, nous grimpons dans la voiture, avec les amplettes, pour aller retirer des sous. Dans la voiture se trouve avec nous, le vendeur mercantile, à l'initiative de la grande soirée, et deux de ses cousins. Nos trois accompagnateurs font chacun 100 kgs.  Pendant l'arrêt au distributeur, je fais part à ma poule que je ne sens plus du tout le coup de la grande soirée..... Ce qu'il partage. Je simule un mal de ventre. Ma poule paye nos dettes. Et nous en restons là.

La soirée se termine à l'hotel. Rassuré.

Dodo. Avion. Charles de gaulle. Où mes parents nous accueillent dans de fortes retrouvailles.

Je suis un tantinet impatient. Je sais que plus tard, ce sera la maison.

La course est finie. Vraiment finie.

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Commentaires
D
Bravo à toi. C'est admirable ce que tu as fait. J'espère que j'aurais la chance de te rencontrer un jour pour parler de tout ça et prendre de tes conseils pour mes prochains défis. Mais toi ? Tes prochains défis ?
C
Clap de fin ! Merveilleuse fin et mes deux mains pour t'applaudir ! j'ai pas fini d'en avoir plein les yeux de ton sable marocain et c'est tant mieux ;-)
M
Tu peux être fier de ta photo :-)<br /> <br /> Tu as perdu du poids pendant cette semaine, non ? Ca se voit sur la photo et ça se comprend, vu ce que tu as demandé à ton corps. Tu as perdu combien sur un tel défi ?<br /> <br /> Ca doit faire vraiment bizarre de passer de l'émotion pure et de la vie dans le désert au retour dans la vie moderne... Est-ce que tu as gardé ce regard un peu décalé sur tout ça, même après ? Parce que c'est vrai que c'est facile de voir la stupidité de certaines choses et de se recentrer sur ce qui compte, juste après. Mais, est-ce qu'on le garde ça ? C'est pas pareil, mais ça me rappelle un peu ce que j'ai ressenti après avoir passé 3 mois dans un van, en Nouvelle Zélande, dans la nature. Tout le côté matériel, consumériste et cette fuite en avant de notre société. C'est tellement clair quand tu vis simplement que ça fait mal au coeur de s'y reperdre quand on rentre. Personnellement, je crois que je recherche encore et toujours ce truc-là...
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