Rituel
Quand la course est finie, j’ai pris l’habitude d’un petit rituel en 4 temps.
A peine la ligne franchie que j’embrasse mes groles. Quoi ? Voui… Plus la course est longue et plus…
A peine rentré à la maison, que j’offre la médaille à l’un de mes fils ou à ma femme. Dans le 1er cas, elle rejoindra leurs propres collections gagnées au judo ou au grand concours scolaire du « Oh ! T’as vu maîtresse comment que je fais bien du vélo sans les mains ? ». Dans le 2ème cas, elle rejoindra, dans le tiroir de la table de chevet, les dents de lait des deux bésots. Quoi ? Mais non… C’est ma mère qui a mes dents de lait. Pas ma femme… Vous me prenez pour un dingue ou quoi ?
A peine digéré la bière de célébration du grand exploit international (celui d’avoir fini la course sans avoir à m’inscrire pour la prochaine en catégorie handisport), que je m’empresse d’attendre l’envie de recourir. Qui fini toujours par revenir. Quoi ? Vous avez raison, c’est déprimant….
A peine me vient l’idée de recourir que j’enfile, en unique occasion, pour le footing de reprise, le maillot finisher de la course. Le maillot, une fois exhibé, est ensuite lavé pour rejoindre définitivement ses congénères. Au passage, si tu es psychologue (et toujours blonde à forte poitrine) et que tu as une bonne explication pour justifier que je ne comprends pas les gens qui exhibent en permanence leurs médailles ou leurs maillots et que pourtant je le fais sur cette unique reprise, ça m’intéresse. Sauf si tu me demandes de m’allonger sur le canapé en regardant un plafond dont le papier peint représente des phallus marrons cachés derrière des bateaux de la marine nationale du Zimbabwe.
Pour le marathon des sables, le rituel a un peu bricolé.
Je n’ai pas embrassé mes grôles. Je n’y ai pas pensé sur le coup. Peut être l’ai-je fais plus tard dans la tente, mais je ne m’en souviens pas. En même temps… La course a été plus longue que d’habitude… Et plus la course est longue et plus…
J’ai donné la médaille à ma femme. Ça, pour le coup, c’était évident. C’était forcément pour elle. Par contre je n’ai pas compris sa réaction. Elle ne l’a pas rangée dans la table de chevet. Non. Elle l’a entreposé sur la cheminée du salon. Si tu es toujours blonde à forte poitrine et que tu te sens capable de psychanalyser ma chère et tendre alors je t’allumerai 150 000 cierges à la cathédrale de Rouen. Non, ne me remercies pas, tu vas vite te rendre compte que 150 000 ne sont pas de trop.
La preuve qu'on a bien une cheminée dans le salon.
J’ai eu le temps de digérer 3 semaines de bières, inclus une semaine exclusivement accompagnée de beurre et de sucre (en Bretagne, bien sur…), avant que l’envie de recourir ne revienne. Et dire que tous les cops du MDS ont déjà refait des marathons, des courses de tarés et des entraînements de malades.
J’ai enfilé mon maillot finisher pour aller courir The footing de reprise. Sauf que jamais je ne l’avais aussi mal porté. Une loque. Genre le gars qui laisse une trace de bave par terre. 55’ sur un parcours qui habituellement se fait en 40’, sur une jambe, en s’arrêtant aux feux et en aidant les poussettes et les p’tites dames à traverser la route. Les jambes, le souffle, le cœur, la tête ne comprenaient pas ce qui se passait. On se serait cru 8 ans en arrière, au footing originel. Ça doit être le beurre.
Le devant.
Le derrière.
Bref, le rituel est accompli. Et c’est reparti pour la galopade sauvage.