Tente N°36
Lors de mon 1er post sur le marathon des sables, j’ai introduit la notion de point de confort.
Quoi ? Ça fait si longtemps ? OK…
Bon, alors, j’ai expliqué que m’asseoir après avoir couru pour manger m’était indispensable. J’ai expliqué qu’avoir plus à manger que prévu m’avait rassuré. Et que finalement, se brosser les dents c’était pas si mal. Ok… Vous aviez suivi, inutile d’insister.
Mais je n’ai pas parlé de l’essentiel.
Mon point de confort fondamental, pour ne pas dire vital, consiste à me ressourcer au contact des autres. Je m’aime suffisamment pour me vouloir du bien mais pas assez pour vivre seul.
J’ai besoin d’un bon équilibre affectif.
Dont vous devinerez la fragilité, après quelques kilomètres dans le désert, avec 5 inconnus poilus, dans la promiscuité d’une tente de 20m² au sol.
La Tente 36.
Sur la photo suivante, ma poule nous montre la différence de bronzage entre son dos et... Mais vous la verrez pas. Si vraiment vous voulez la voir je peux à titre exceptionnel vous transmettre en MP son N° de téléphone.
Et autant le dire franchement, sur les 3ers jours, j’ai eu du mal. Beaucoup de mal, même. Entendons nous bien, ce n’est pas que ces 5 inconnus aient été désagréables. C’est juste qu’on ne devient pas ami en 2 jours. Et là où il est de bon ton d’être patient, je suis souvent toujours trop pressé…
Bref, à peine le temps d’encaisser quelques petites tensions que j’hurlais intérieurement « Il est hors de question que je me prenne ou qu’on me prenne le chou alors qu’il y a 5000€ sur la table et 2 années de préparation !!!! ».
Heureusement, et même si cela a presque coûté un tube de crème NOK, j’ai trouvé avec ma poule, un équilibre affectif suffisant pour passer ce début de galopade sauvage.
Et l’ambiance, à défaut d’être de la grosse déconnade comme j’aime, avait pour grand mérite d’être calme.
3 étapes à nous observer. 3 étapes à nous sonder. 3 étapes pour commencer à construire quelque chose d’un peu plus intime.
Bref, 3 étapes pour que le tube de crème NOK serve enfin à la collectivité.
Et vu de ma fenêtre, l’ambiance n’a véritablement pris qu’après l’étape longue.
Dont l’un des déclencheurs, à l’initiative de ma poule, vous l’avez peut être vu sur TV5, a été le fameux Haka.
Une fois les strings détendus, nous avons commencé à tous nous marrer ensemble.
Et à la fin du marathon, médailles autour du cou, nous nous tombions dans les bras. En pleurant comme des madeleines.
Bref, 6 jours, 245 kms, et la machine à laver des sables vous rapproche vite fait bien fait tous les gars et les filles de la terre.
Cette série de photos parle d'elle même. Prises chronologiquement.
Le matin de la 1ère étape. De Gauche à Droite, Guignol, Ma Poule, Elodie, Bruno, Jean-luc, Manu, Yannis. Il nous manque le ballon de foot.
Le matin de la 3ème étape. Et un 1er gros câlin collectif.
Le matin de la longue. Là nous sommes tous au taquet. Prêts à tout bouffer. La tente est forte. Nous nous portons les uns les autres pour tout envoyer.
Avant l'étape UNICEF. En plein haka. Après moults délires dans la tente. Je nous trouve bô sur cette photo. Et suis fier d'avoir fait parti de cette tente. Quoi ? Ok, c'est con mais c'est pourtant vrai...
Passons aux présentations. Dans notre boite de sardine ouverte au vent, il y a de gauche à droite, d’abord The girl (qui pour la petite histoire n’est, à priori, pas du tout poilue), puis les 6 bô mâles. Ce qui nous fait :
Elodie. Fort caractère exprimé. 4 MDS à son actif. Et 1 en tant que bénévole. 50 combats. 36 victoires par KO.
Manu. Jeune gars, super cool. 1er MDS. Rapide. Sans expérience d’ultra. Lien familial avec Jean-luc.
Bruno. Du caractère, tout en étant discret. 1er MDS. Expérience en ultra. Meilleur ami de Jean-luc.
Jean-luc. Sociable. Calme. Serein. 4 MDS à son actif. Venu pour accompagner Manu et Bruno.
Yannis. Indépendant. Délicat. Respectueux. 1er MDS. Expérience en ultra. Lien naissant avec Elodie.
Guignol. Jeune, bô et intelligent (Bah, quoi ? Comment ça je ne suis pas objectif ?). 1er MDS. Expérience en ultra. Lien naissant avec ma poule.
Ma poule. Solitaire. Solidaire. Solide. 1er MDS. Expérience en ultra. Toujours prêt à étirer guignol.
Cette tente, c’est notre maison. Dans laquelle tout un chacun y construit ses habitudes. Et dans son installation après la course. Et dans son mode de fonctionnement propre à partir du sac de survie. Et dans sa désinstallation avant la course.
Tout le monde y a sa place. Chacun construit son territoire au contact de ses voisins.
En tête de lit, on met son sac. Puis vient le duvet. Et enfin les grôles.
Après chaque étape, on pose son sac, on retire ses grôles, on laisse sécher ses pieds (et non pas, on essaie de lécher ses pieds) et on mange liquide. Une fois récupéré des forces, on peut ensuite installer son lit et soigner ses pieds. Ou bien aller se faire un brin de toilette. Quand la tête et le corps sont de nouveau opérationnels, c’est la procession jusqu’à la tente aux mails. Pour écrire à la famille et aux amis. On en profite pour aller voir son classement, son chrono tout en tapant de la guoule dans les différentes queues des différents ateliers proposés sur le camp. En particulier, si l’idée vous prend d’y aller, ne ratez sous aucun prétexte les ateliers macramé et cuisine de scorpion au jus de pieds.
Retour au bercail. Lecture des mails dans des effusions émotionnelles incontrôlées et incontrôlables.
Là, c'est chaud pour tout le monde. Les nouvelles des proches sonne comme une victoire de confort chez Koh Lanta.
Les plus courageux ont été cueillir du bois et ont allumé le feu. Sans Johnny.
Une fois l’eau chaude, on se délecte du lyophilisé. Une fois le casse croûte englouti, resoignage des pieds.
Enfin, vient le grand moment où tout le monde prépare son sac pour le lendemain. Et prépare ses petites affaires d’écolier. Ouvre le sac de nourriture du lendemain, pour ranger à sa place, les barres pour l’étape. Et réorganise, pour le dos, le contenu restant. Le tout suivant un rituel, jusque dans son rangement sur le sol, qui s’affine et se consolide au fil des jours.
En fait, dans ce sac de 10kilos, on a besoin de tout, tout le temps. Et on passe son temps à le vider et à le re-ranger. C’est pas pour rien que c’est un sac de survie. Pour être efficace, il est de bon ton que tout soit toujours rangé toujours à la même place.
Dans la tente 36, Guignol se démarque « Appelez la police ! Que personne ne sorte ! Je ne retrouve pas l’élasto…. De diouuuu, t’aurais pas vu mon couteau ? Il te reste du papier ?».
Tout cela nous occupe gentiment jusqu’à 21h.
Dodo.
Ronron.
Sifflements. Pour arrêter les ronrons. Comme quoi, 22 ans de vie commune dont 17 maritales, n’auront pas été vaines. Pourquoi je précise 17 maritales ? Simple. Le mariage rassure. Et fait ronfler plus fort. Ou alors c’est par ce qu’on boit plus…
A 3h du matin, ma poule se lève et s’étire. Au milieu du camp, à 10 mètres de la tente.
A 3h du matin, je me lève et vais arroser les plantes du désert. Au milieu du camp, à 2 mètres de la tente.
A 6h, les petits oiseaux sortent de leurs nids. Ré allumage du feu, chauffage de l’eau, engloutissage du spordej-cerneaux de noix, du muesli, du thé ou du café. Habillage. Maquillage. Photo.
Pendant ce temps là, les hommes en bleu ont eu le temps de démonter toutes les tentes, ramassés tous les tapis, reconstruit un autre campement, avec piscine à vagues, 40 kms plus loin. Le tout en chantant « yala ! yala ! ».
L’apprenti marathonien des sables, le matin, est vraiment un rigolo.
Quand les hommes en bleu débarquent, les apprentis marathoniens quittent le navire.
Les hommes en bleu attrapent la toile et les bâtons. 2 prises de kung fu et...
... hop ! Par terre. Garcimore est trop fort.
Puis, c’est la cour des miracles, en une lente procession, qui se meut vers la ligne de départ. La vitesse de déplacement de cette meute, alors qu’elle était frêle et guillerette en début de course, perd en dynamique de pied au fil des étapes.
Procession qui pleure ses abandons. Pour ensuite, au rythme d’ACDC, soulever la poussière du désert.
Alors ? C’est trop classe, non ?