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Grain de sable 2014
26 avril 2014

Étape 2 - 41 km - annoncé roulant

Étape 2 - 41 km - annoncé roulant

Ah ! Ah ! J'aime quand on m'annonce du roulant. Parcequ'à la maison, c'est ce que j'aime.

Ca veut dire quoi, d'ailleurs, roulant ? Roulant, par chez nous, ça veut dire du bitume tout plat. Pas de questions existentielles, on allume, on vomit après la ligne d'arrivée et la vie est belle. Bon... Roulant sur le marathon des sables ça veut dire que le sol est à peu près plat, normalement sans djebel, pas de chameau pour jouer à saute-chameau, pas trop de cailloux, pas trop de sable. Voilà....

La veille des étapes, les coureurs aiment bien réviser leurs leçons. Ce qui donne, la veille de l'étape 2, à l'épluchage du road-book, dans notre tente, à peu près ça : "OHHHH ! Sans dèc ! Les tarés ! T'as vu ce qu'ils nous ont mis ? Il y a encore des dunes... Et en plus ils nous ont collés un Djebel de la mort ! Ils se foutent de nous ! J'ai pas fumé ? C'est bien écrit roulant....!!!!" Impassible, tel le philosophe, je me refuse à tous ces vils décryptages de cartes à fortes considérations matérialistes. Et préfère m'imaginer serein, le lendemain, mini-cheveux au vent, m'élancant dans l'inconnu et l'au delà. La philosophie n'est qu'un shoot. La réalité est souvent plus cruelle. Et si je ne participe pas à ces agitations, c'est surtout parce que je suis plus lent que la moyenne à manger, ranger mon sac, passer l'aspirateur, nettoyer les carreaux de la tente, masser ma poule, me faire masser par ma poule, décoller ma poule, me coucher. Et aussi parce que je ne sais pas lire une carte.

Bref, nous v'là sur la ligne de départ. L'ambiance est chaude. Traduisez qu'il fait très chaud. Parce que côté ambiance, c'est plus calme que la veille. Les dunes du 1er jour ont calmé les ardeurs. Les 1ers abandons sont annoncés. Et en bien trop grand nombre. A l'annonce, chacun fait son signe de croix et observe une sincère minute de silence. Puis, après les chants grégoriens, le coup de feu est donné. Sur ACDC. Le minimum syndical pour remotiver la troupe.

P1130355

Psssst !!! C'est dans l'autre sens qu'il faut aller... Mais quelle gourde je fais....

J'applique la stratégie décidée, collectivement avec les plus grands ingénieurs de la naza, deux secondes avant de partir : marcher un peu moins et faire un peu moins de photos.

Le régal est total. C'est effectivement roulant comme j'aime. Je cours. Heureux. Je double plein de monde. Fais coucou à tous ceux avec qui j'avançais la veille. Heureux. J'arrive au 1er CP. Avec Franck..... Il est surpris. Je suis surpris. On s'embrasse. La vie est belle. "Cool !!!" Me dit-il. "On coure ensemble maintenant ! Allez, viens !". Le coeur en peine mais le cerveau froid, je répond "Désolé ma poule... J'ai décidé de ne courir que jusqu'au CP1 et de marcher ensuite jusqu'à la fin. Je préfère être prudent. Fonces ! T'occupes pas de moi." Roulage de pelle. Chacun part vivre sa vie.

CYR-2014-etape2-0718

Là, je cours pas. Mais faut bien couper le texte....

Je repars en marchant. Tranquille. Rassuré par cette course qui s'est faite avec le genou calme. Je profites des paysages. Traverse quelques villages abandonnées. Vois quelques autochtones, dont des enfants rieurs qui lancent au mieux des encouragements sinon des appels "aux dons". Les paysages se suivent sans se ressembler. Entre les noirs, gris anthracite, marrons nuancés et les jaunes flamboyants, mon regard ne sait plus ou cligner de l'oeil. La surprise, presqu'à faire tache dans le tableau, vient avec les verts des plantations. L'oeil est aussi sollicité dans la profondeur de champ. Parfois l'horizon est trop loin pour distinguer le fond du tableau, parfois c'est un rocher ou un canyon qui se dresse à deux foulées de là.

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C'est bô, hein ?

La marche s'accélère. Mais il fait chaud.

Cette chaleur devient lourde. Je prends conscience du délicat équilibre qu'il me faut tenir : avancer efficacement tout en maintenant une juste température du corps. Cet équilibre est très instable et je n'ai que l'hydratation comme outil pour le tenir. Dès que mon corps m'alerte sur un proche coup de chaud il me faut ralentir. Petit à petit je sens ce que je peux demander à mon corps comme effort physique. Par rapport à ce que j'ai bu. Par rapport au terrain. Au 2ème CP, une bénévole m'invite à m'arroser la tête et le corps. Je refuse. D'habitude, j'ai horreur de ça. Je redécolle. Et réfléchis. Et si l'hydratation ne suffisait pas pour refroidir le corps ? Après tout... Je m'arrose la tête. Impressionnant. Le cerveau, refroidi, s'illumine de contentement. Les idées et les décisions sont fraîches. Et même si l'effet est de courte durée, j'apprends, en reproduisant l'exercice, au fil des kms, à lire tous les signaux de mon corps, et à y répondre à coups d'arrosage, à coups de coups à boire,  à coups de frein. Finalement, au bout d'un moment même, je finis par m'amuser avec la limite.

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Un gars au nez pointu qui a un peu trop joué avec ses limites.

Le Djebel se présente. Haut. Avec du sable jusqu'en haut. Surprenant. Je grimpe. Au sommet, j'hurle tellement le paysage est grand. Le présentateur relâche son micro et se marre devant la caméra. Houps.... Désolé.... Je tape l'incrust. Et si après tout je faisais coucou à tout le monde ? Le présentateur n'y voit pas d'inconvénient. "ok, alors tu me laisses causer et après tu dis - je confirme, il y a beaucoup de cailloux et de chaleur -". Vous connaissez la suite.... Trois secondes après, je dévale comme un dingue la descente de sable version ski-godille.

20H

C'était sur TF1,  ici. Dans Le 20h. Mais sans Claire Chazal. Bouuuuuuh..... 

Alors que j'avais décidé de marcher jusqu'à l'arrivée, mon état de forme m'incite à courir pour finir. Je suis pourtant hésitant. Entre prudence, volonté de ne pas se griller avant la longue et signaux verts du corps. Je me décide et relance en courant. Tout va bien.

Avant la ligne, je reprends Bruno. Un des gars de la tente. Nous sommes super heureux de nous voir.

Cette deuxième étape est riche d'enseignements. J'ai commencé à apprendre la chaleur. Et j'ai couru.

Je prends conscience, qu'avec la 1ère étape, où j'ai commencé à apprendre à lire le sable, qu'avec cette 2ème étape, ou j'ai commencé à apprendre la chaleur, que je suis entrain de me préparer pour la longue. C'est maintenant clair dans ma tête. Et j'entends profiter de la 3ème étape pour finir mon apprentissage.

Pour la petite histoire, je suis surpris d'apprendre que je finis 320ème. Presqu'autant surpris que de me voir suivre mon classement.

Alors que je venais au MDS en quête de voyage je m'y installe comme compétiteur....

Une fois à la tente, une fois qu'on s'est raconté notre course avec ma poule, je m'enerve en gueulant. Je ne sais plus ce que je dois faire. Les priorités se mélangent. D'abord le mail pour tout le monde. Surtout après tous les mails qu'on a reçu. Et puis peut être les pieds. Ou pas. Peut être manger. Ou pas. Ma poule me calme : "Si tu t'énerves, c'est que tu es déshydraté. Donc, tu retires tes groles, ensuite tu bois ton nutrarécup, ensuite tu soignes tes pieds et ensuite et seulement ensuite tu vas faire ton mail. Et tu y vas avec une bouteille d'eau, d'ac ?".

P1020234

Ma poule s'occupe du feu. Pour faire chauffer l'eau. Et remettre les priorités dans le bon ordre.

A peine le nutrarécup bu, que les 2 neurones se remettent à frétiller. A peine le nutrarécup bu, que je prends conscience que le vrai risque que l'on cour ici c'est de ne plus voir ces 2 neurones frétiller. Perdre sa capacité à décider, c'est se mettre en danger. Perdre sa capacité à décider et les conditions extrêmes de cette course se feront une joie de vous mettre sur le dos en 2 secondes. Définitivement.

Alors autant anticiper. Et pour bien vivre la 3ème étape, je commence à réfléchir à un moyen de maintenir la tête fraîche tout le temps. Après consultation des ingénieurs de la nasa, l'idée tombe. Je vais mettre mon buff plié en deux sur le crâne avec la casquette par dessus. Et l'arrroser. Le buff, ainsi mis, se positionne un peu comme un vase. Après tout, si l'arrosage est bien fait, peut être qu'une plante du désert s'y plaira....   

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Commentaires
E
Le ton de tes récits et top. Revivre cette course avec ta bonne humeur et ton humour omniprésent, ça le fait. En même temps, il y a du fond, de l'évolution, de la réflexion mais aussi du feeling. Tous les ingrédients pour un récit bien frais et agréable à lire :) Vivement la suite.
F
Ca a vraiment l'air d'être un truc de dingue!!!<br /> <br /> Je suis comme les autres, en lisant, je me dirais presque j'y vais...mais je crois que je suis pas encore assez fou :-)
M
C'est trop beau et j'adore la deuxième photo. Super ta technique pour maintenir ta nuque au frais. Ça doit faire bizarre de se rendre compte de ses limites et du fait qu'elles sont si faciles à franchir. C'est tout l'enjeu. Super intéressant.<br /> <br /> <br /> <br /> Et je savais pas que tu avais tapé l incruste sur TF1 ! Grande classe, encore une fois.
F
il est vrai que cela donne envie d'y aller ,il faudra que tu nous explique comment apprendre la chaleur ,car moi ,je suis comme une écrevisse dés qu'il y a du soleil ;) .<br /> <br /> en tout cas continue ,c'est super
T
Sauf que tu as confrmé la même chose que moi à la TV, je cite : "C'est Duuuuuur", sauf que moi, il y a 4 ans, c'était spontané et j'ai répondu de travers à la question du journaliste !!! MDR ..... grillé<br /> <br /> En tous cas, ne te plaint pas du roulant, à la 4ème étape à son début, tu vas voir la différence.
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